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mercredi 19 août 2015

Mon arbre

Tu n’es peut-être pas le plus spectaculaire de ta race, 
ni le plus majestueux, 
mais tu es celui que nous avons choisi, 
il y a environ trente-cinq ans, 
pour faire partie de notre environnement 
avec deux bouleaux, lesquels sont morts depuis. 
Dès ton départ de la forêt natale de Manseau, 
tu as subi des assauts répétés : 
sels de dégivrage et détritus de toutes sortes déversés sur tes flancs 
sans que tu n’en sois trop affecté, signe évident de ta robustesse. 
Ton tronc strié gris foncé et ta proche parenté avec l’érable à sucre 
t’ont sans doute valu ce nom d’érable noir.

Dès les premières semaines d’octobre, 
tu te présentes sous ton meilleur jour : 
tes feuilles trilobées d’un or tirant sur l’orangé font ressortir 
les dégradés de mauves et d’écarlates des alentours; 
elles deviennent translucides et pâlissent peu à peu 
sous l’effet des gels successifs et des jours qui raccourcissent. 
Puis, après quelques journées de grand vent, 
tu te dénudes complètement, laissant à ton pied 
un épais tapis de feuilles qui ravissent les enfants 
et fournissent un engrais précieux pour le gazon 
ainsi qu’une protection hivernale sur les vivaces des plates-bandes.

Lorsqu’une légère brise secoue tes branches 
et que le soleil y joue à cache-cache, 
tu dessines sur les murs du salon de jolies arabesques. 
Tu es tout simplement magistral, 
quand ta silhouette aux longs bras tentaculaires 
se profile sur le fond fugace 
de ces fameux couchers de soleil automnal.

Quelque part en novembre ou décembre, 
tu te drapes d’une superbe parure ouateuse 
qui s’effilochera sous les chauds rayons du jour, 
en attendant une prochaine bordée de neige 
qui t’enveloppera de nouveau.

Si talentueux qu’il soit, l’artiste ne peut reproduire 
toute ta magnificence à travers les saisons; 
tu es une œuvre d’art qui évolue jour après jour devant nos yeux.
    Comme chez tous les géants de ton espèce, 
tes autres attributs se révèlent aussi fort précieux.

Devant la fenêtre principale, fidèlement, 
tu montes la garde en courbant légèrement ta cime 
vers notre demeure sous l’effet des vents dominants. 
Quand j’écarte les rideaux au réveil, 
tu m’indiques la force et la direction du vent 
et parfois même, le temps qu’il fera.

Tu constitues le climatiseur hors pair 
qui nous protège des ardeurs du soleil en été 
et laisse passer sa chaleur bienfaisante en hiver.

Quel précieux système anti-pollution 
vous représentez, toi et tes semblables! 
Tu absorbes les gaz carboniques, 
tandis que les autres polluants constituent un défi pour ta survie.

Au printemps, tu es l’hôte apprécié des passereaux. 
Les merles, particulièrement, semblent rechercher ta ramure 
quand vient le temps de construire leur nid. 
Quel plaisir alors de découvrir 
ces nouveaux voisins et d’épier leurs ébats!

                    En été, ton énorme bouquet de feuilles matures 
forme un écran naturel 
qui nous garde à l’abri des regards indiscrets.

           Durant toutes ces années, tu as été le témoin silencieux 
des événements heureux et malheureux 
qui ont jalonné  notre vie familiale. 
Que d’histoires tu pourrais raconter sur chacun de nous!

        Puisqu’une grande longévité caractérise ton espèce, 
il y a fort à parier que tu veilleras encore longtemps sur notre maison, 
même quand nous l’aurons quittée 
et qu’une autre famille y aura élu domicile.

               Graciette Provost-Tremblay             
(Novembre 2014)
membre du Cercle d'écriture Encr'âge 
de la Bibliothèque Marie-Victorin de L'Ancienne-Lorette